photo : gracieuseté
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Le mercredi 30 avril prochain, le Ciné-Club Valcourt présente le film «Vivre à 100 milles à l’heure». La projection sera suivie d’une rencontre avec le réalisateur, Louis Bélanger. Le Val-Ouest a discuté avec lui de son parcours.

«Je ne me verrais plus vivre en ville»

«Est-ce que l’entrevue peut être reportée un peu? Je suis dans la forêt en ce moment», demande Louis Bélanger, au moment convenu pour la rencontre. Plus tard, lors du début de l’entretien, le cinéaste confie qu’il profite désormais pleinement de sa nouvelle vie à la campagne, en Estrie. Un lieu où il s’est installé il y a trois ans, pendant la pandémie.

Un grand virage pour cet homme qui se décrit comme une «bête urbaine». «J’ai fait le tour des bars, des cinémas, des théâtres, bref, de la vie culturelle du centre-ville de Montréal. J’y ai vécu plus d’une vingtaine d’années. Quand la pandémie est arrivée, ça a tout changé.» Il a acheté le terrain d’un ami et y a bâti sa maison.

Il dit ne pas regretter son choix.

«Au début, on pensait garder un pied à terre à Montréal. Puis finalement, on a bougé toutes nos affaires ici. J’ai pas mal fait le tour du jardin, à être un «party animal». Je ne verrais plus vivre en ville. Il y a ici une espèce de liberté. Je préfère être dans la forêt pour écrire.»

Depuis trois ans, le cinéaste Louis Bélanger vit à temps plein en Estrie, près de la nature.  (photo : gracieuseté)

Inspiré par les Cantons de l’Est

Louis Bélanger révèle que son nouvel environnement l’inspire désormais dans son travail. «J’ai deux scénarios que je suis en train d’écrire. Que je situerais à Valcourt et à Saint-Élie-d’Orford.»

Il se dit touché par la géographie de sa région d’adoption.

«Quand je me promène en moto, les paysages et la beauté de la région sont à tomber sur le cul. Planter son «kodak» ici, ce n’est vraiment pas ennuyant. Je préfère mettre ma caméra à Valcourt, Melbourne ou Bonsecours qu’ailleurs, dans des lieux plus touristiques et gentrifiés. Ça m’interpelle quand il y a un côté industriel ou de belles fermes.»

Plusieurs de ses films se déroulent d’ailleurs hors de Montréal. Comme Route 132, qui se déroule dans le Bas-Saint-Laurent. Les Mauvaises Herbes, avec les paysages des Laurentides. Ou encore The Timekeeper, qui a été tourné sur la Côte-Nord.

Tournage du film Route 132, dans la région du Bas-Saint-Laurent.  (photo : gracieuseté)

«Je m’intéresse aux grandes aventures du monde ordinaire»

La vie intime des gens, inscrite dans une géographie spécifique, nourrit l’imaginaire de Louis Bélanger.

«Pendant des années, avant d’avoir des enfants, je partais avec ma moto. J’ai roulé le Québec d’un bord à l’autre. J’ai toujours eu cette curiosité du territoire. Le Québec, c’est un grand territoire. Je trouve intéressant de voir comment on l’habite, avec les particularités régionales. Ça nourrit mes récits.»

Les humains sont d’ailleurs au cœur de l’œuvre cinématographique de Louis Bélanger. «Mon cinéma a un ancrage social. C’est un cinéma où il y a beaucoup d’humanité. Je m’intéresse aux grandes aventures du monde ordinaire. La plupart du temps, mes films se passent dans le milieu d’une classe populaire.»

Il croit que son enfance l’a influencé dans cette voie. «Je suis issu d’une grosse famille de sept enfants. Nous n’étions pas riches, mais il y avait bien de l’amour. Ça a teinté ma lecture du monde et les choses sur lesquelles j’ai envie de réfléchir.»

Louis Bélanger croit à l’importance de ce type de représentation du monde.

«Les gens ont envie de se voir et de se reconnaître sur le grand écran. De voir un drame qui leur ressemble. Je n’ai jamais fait de films hermétiques. C’est pour cette raison, je crois, qu’ils rejoignent un public plus large.»

Le film Gaz Bar Blues (2003), campe une histoire qui se passe dans une station-service.  (photo : gracieuseté)

«Je vole des bouts de vie»

Il précise que ses scénarios tentent de se rapprocher du réel. «Ce que je fais, c’est de la dramédie. Du drame et de la comédie. Parfois, les gens ne comprennent pas : est-ce que c’est un drame ou une comédie? C’est les deux. La vie est faite comme ça. L’humour est une forme de politesse dans l’adversité.»

Le cinéaste se décrit comme un grand observateur du monde qui l’entoure. Ce qui lui permet d’écrire ensuite des dialogues réalistes.

«Mon ex disait tout le temps : «Louis, arrête de regarder le monde de même, c’est gênant!» Mais j’aime ça, aller me promener dans le métro de Montréal et de regarder comment les gens marchent et parlent. Ou d’aller dans une taverne pour jouer au billard avec des vieux. On dit de moi que je vole des bouts de vie. Ils viennent nourrir mes scénarios.»

«C’est un grand directeur d’acteurs»

Même si Vivre à 100 milles à l’heure est sorti en 2019, les administratrices du Ciné-Club voyaient la pertinence de le présenter dans leur programmation 2025. «C’est un film qui est sorti pendant la pandémie. Il n’a pas joui de la même promotion, par exemple, que le film Gaz Bar Blues, lui aussi de Louis Bélanger», indique Virginie Dubois, vice-présidente du Comité culturel du Grand Valcourt et conjointe de Louis Bélanger.

Virginie Dubois, vice-présidente du Comité culturel du Grand Valcourt, croit que la présentation du film Vivre à 100 milles à l’heure devrait plaire à un large public.  (crédit photo : Louis Bélanger)

Le film présente le parcours de jeunes adolescents interpellés par le mirage de l’argent facile par la vente de substances illicites.

Virginie Dubois croit qu’autant les 50 ans et plus que les jeunes se reconnaitront dans cette œuvre.

«On a vécu les années 70 et 80 avec des bottes Kodiak et des chemises à carreaux dans les polyvalentes. L’histoire nous fait traverser les époques. On s’attache aux personnages, qui sont joués par trois comédiens pour représenter les différents âges. Ce qui est un tour de force. Selon moi, Louis Bélanger est un grand directeur d’acteurs», pointe cette comédienne de formation qui a aussi œuvré comme productrice de films.

Tournage du film Vivre à 100 milles à l’heure.  (crédit photo : Véro Boncompagni)

«J’étais bien parti pour mal finir»

D’autres oeuvres de Louis Bélanger présentent aussi des univers davantage en marge. «J’ai souvent mis en scène des gens avec une morale un peu élastique. Je trouve que c’est une façon de mettre du mordant et du piquant dans les scénarios.»

Le réalisateur confirme que le film est en partie autobiographique.

«J’étais bien parti pour mal finir. J’ai eu une adolescence rock and roll. Pas parce que je venais d’une famille qui n’était pas aimante ou parce qu’il n’y avait pas d’éducation. À la fin des années 70, c’était trippant. Nous étions trois chums qui ont fait quelque chose d’illicite. Ça nous donnait de l’argent, mais surtout de l’aventure. L’histoire se déroule moins de 10 ans après Woodstock. C’était une époque différente. Ce n’était pas le monde des motards et du crime organisé. C’était de la petite délinquance. Il y avait une forme de poésie dans tout ça.»

«C’est enrichissant de jaser avec le public»

Louis Bélanger apprécie le fait que le Ciné-Club Valcourt l’ait invité à venir présenter son film.

«Contrairement au théâtre ou à la musique, je ne vois pas beaucoup la réaction du public. Ce qui fait que des espaces comme celui offert par le Ciné-Club ont toujours eu une grande importance pour moi. D’avoir cette opportunité de jaser avec le public après un film, je trouve ça bien enrichissant. J’aime bien cette idée d’aller au-devant du monde. Les gens ont de bonnes questions. Ils m’amènent parfois sur des pistes différentes. Ils voient des affaires dans mes films auxquelles je n’avais pas pensé.»

Tournage du film Vivre à 100 milles à l’heure.  (crédit photo : Véro Boncompagni)

Intérêt de voir des films en personne

Que pense Louis Bélanger du fait qu’un nombre grandissant de cinéphiles consomment le 7e art en ligne plutôt que d’aller dans les salles?

«J’aime encore ça, une salle noire, avec un gros système de son et un grand écran. Il y a un côté un peu religieux. Des gens qui ne se connaissent pas, se ramassent au même endroit et vivent des émotions ensemble. Nous regardons dans la même direction la lumière qui vient vers nous.»

Il trouve dommage que certains films soient désormais introuvables en ligne. «C’est un peu paradoxal que l’entièreté de notre cinématographie nationale soit payée avec des deniers publics, mais qu’on ne puisse pas revoir certains films après.» Il louange les efforts de la plateforme Éléphant Films, qui vise à restaurer et rendre accessible de nombreux longs métrages de fiction québécois.

«J’aurai vécu une belle période»

Louis Bélanger se dit préoccupé de la présence de plus en plus grande de l’intelligence artificielle dans le milieu du cinéma.

«Les machines apprennent très vite, c’est étourdissant. Tout se développe à une vitesse phénoménale. Ce qu’on pensait impossible il y a deux mois devient possible. Je me dis que ce n’est pas vrai que la machine va être plus imaginative que l’être humain. Mais peut-être aussi que j’aurai vécu une belle période. Où être un scénariste, ça voulait encore dire quelque chose.»

 

PROJECTION DU FILM «VIVRE À 100 MILLES À L’HEURE»
Le mercredi 30 avril 2025 à 19 h au Centre culturel Yvonne L. Bombardier. En présence du réalisateur Louis Bélanger. Billets disponibles en ligne : https://www.tickettailor.com/events/ccylb/1611415?

 

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